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Juifs, Gentils et le plan de Dieu


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Juifs, Gentils et le plan de Dieu

 

par

 

W.F. Barling

 

1. L’unité de l’humanité

 

Tout homme descend du premier homme. Soit Français, Mauricien, Camerounais, Ivoirien, Guinéen, Anglais, Russe ou Chinois, l’on n’en demeure pas moins membre de la race humaine, partageant ainsi une unité fondamentale avec les membres de toutes les autres nations. L’humanité, malgré toutes ses divisions, est une, non seulement parce qu’elle a tiré son origine d’un seul ancêtre mais aussi parce que nous sommes tous sous l’empire du péché, car la chute d’Adam entraîna la condamnation de toute sa postérité :

 

« Par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs »

 

et par conséquent,

 

« le péché a régné par la mort ».

 

Alors tout homme sans exception est pécheur et mortel, car,

 

« par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort »
(Romains 5.12‑21).

 

Au fur et à mesure que la famille d’Adam se multipliait et s’étendait sur la face de la terre, l’empire du péché, étant universel, s’étendait en même temps.

 

« Il n’y a point de distinction. Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu »
(Romains 3.22‑23).

 

Le plan de Dieu a comme but de sauver l’humanité de cet état pitoyable — l’humanité tout entière et non pas une seule nation privilégiée. Comment donc expliquer le choix d’une seule nation ? La plupart des Juifs n’ont pas compris la raison de ce choix. Ils crurent que le salut se rapporterait à eux uniquement. Cette méprise les aveugla à tel point que nombre d’eux s’imaginaient que l’Éternel était une sorte de dieu tribal.

 

Cet aveuglement est vraiment très difficile à comprendre. L’Exode qui fit d’eux une nation au sens propre, fut accompli exprès pour démontrer que « le Dieu des Hébreux » était vraiment le Dieu de toute la terre (Exode 6.1‑8). Les plaies infligées aux Égyptiens apprirent à Pharaon que « nul n’est semblable à l’Éternel, notre Dieu » (Exode 8.6). Alors les Juifs surtout auraient dû comprendre que l’Éternel est le Dieu de toutes les nations.

 

« Écoute, Israël ! l’Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel »
(Deutéronome 6.4).

 

L’Éternel les choisit exprès pour être Ses témoins :

 

« Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel,

Vous, et mon serviteur que j’ai choisi,

Afin que vous le sachiez,

Que vous me croyiez, et compreniez, que c’est moi :

Avant moi il n’a point été formé de Dieu,

Et après moi il n’y en aura point.

C’est moi, moi qui suis l’Éternel,

Et à part moi il n’y a point de sauveur.

C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit.

Ce n’est point parmi vous un dieu étranger ;

Vous êtes mes témoins, dit l’Éternel,

C’est moi qui suis Dieu.

Je le suis dès le commencement,

Et nul ne délivre de ma main ;

J’agirai : qui s’y opposera ? »
(Ésaïe 43.10‑13).
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Choisis pour être témoins, les Juifs manquèrent néanmoins à leur devoir, comme l’avait prévu Moïse. Ils furent coupables à plusieurs reprises d’idolâtrie, laquelle l’Éternel, pour être fidèle à Lui-même, avait formellement interdite, disant :

 

« Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude.Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face »
(Exode 20.2‑3).

 

Néanmoins, même au désert, Israël

 

« … a méprisé le rocher de son salut,

Ils ont excité sa jalousie par des dieux étrangers,

Ils l’ont irrité par des abominations ;

Ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas Dieu »
(Deutéronome 32.15‑17).

 

A cause de cette perfidie, Dieu menaça de les rejeter comme peuple choisi :

 

« Ils ont excité ma jalousie par ce qui n’est point Dieu,

Ils m’ont irrité par leurs vaines idoles ;

Et moi, j’exciterai leur jalousie par ce qui n’est point un peuple,

Je les irriterai par une nation insensée »
(Deutéronome 32.21).

 

De la sorte, dans le désert même, Dieu prédit leur rejet. Dès la vocation d’Abram leur père, Dieu décréta que « toutes les familles de la terre » seraient bénies en lui et en sa postérité (Genèse 12.3). Mais au lieu de seconder ce dessein, ils s’y opposèrent,

 

« Car le nom de Dieu est blasphémé parmi les païens à cause de vous »,

 

dit Paul (Romains 2.24). Alors, d’une façon qui excita leur jalousie, Dieu, malgré eux, accomplit Sa volonté et bénit toutes les familles de la terre par la vocation des Gentils sous la nouvelle alliance.

 

Cette vocation souligna l’unité fondamentale de la race humaine — fait que les Juifs orgueilleux oublièrent complètement. Ils s’enorgueillissaient d’être le peuple choisi — et avec raison ; mais ils fermaient les yeux sur le plan de Dieu révélé lors de leur échec comme nation dans le désert :

 

« la gloire de l’Éternel remplira toute la terre »
(Nombres 14.21).

 

Ils méprisaient les autres nations au lieu de leur apprendre l’amour de Dieu, et interprétaient mal les prédictions des prophètes. Lisant, par exemple, que « le serviteur » de Dieu allait « annoncer la justice aux nations » et « être la lumière des nations », ils s’obstinaient à croire que cela signifiait de quelque façon mystérieuse qu’ils seraient eux-mêmes toujours une race à part.

 

Là ils n’avaient pas raison : ils ne se rendaient pas compte que l’Éternel, étant le seul Dieu, était à la fois le Dieu des Juifs et des Gentils, et qu’Il voulait que les nations Lui fussent soumises surtout quand Son peuple choisi fut rebelle. Leurs prophètes désiraient l’avènement de ce temps joyeux où toutes les nations seraient bénies. Moïse, dès le commencement, avait ordonné :

 

« Nations, chantez les louanges de son peuple »
(Deutéronome 32.43).

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Le psalmiste dit, de même :

 

« Louez l’Éternel, vous toutes les nations »
(Psaume 117.1).

 

Quant à Ésaïe, il prédit le royaume universel du Messie, mais indiqua aussi le caractère de son règne :

 

« Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel,

Comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.

En ce jour, le rejeton d’Isaï

Sera comme une bannière pour les peuples ;

Les nations se tourneront vers lui,

Et la gloire sera sa demeure »
(Esaïe 11.9‑10).

 

Les prophètes comprenaient donc bien que Dieu était le vrai, le seul et unique Dieu, roi de toute la terre et de tous ses habitants, et que Son unicité allait s’exprimer un jour dans un monde racheté, vivant toujours en accord avec Lui.

 

Tous, Juifs et Gentils, avaient besoin de Son pardon et de Son salut, et ils ont ce même besoin encore de nos jours :

 

« La création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement »
(Romains 8.22).

 

A cause de son orgueil et de son entêtement, le peuple choisi croyait que Dieu lui était redevable, oubliant ainsi de Lui rendre la gloire qu’Il voulait et qu’Il méritait. Par suite, au moment de la naissance de celui à qui le gouvernement de toute la terre allait être confié, ils étaient aveugles et ne comprenaient pas que ce roi serait la « lumière pour éclairer les nations » ainsi que la « gloire d’Israël son peuple ». Aussi n’étaient-ils pas prêts à recevoir l’enseignement que Lui, le plus grand de tous les prophètes, venait dans le monde pour donner la vie éternelle à quiconque voulait l’écouter.

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2. Israël dur d’entendement

 

Les actions de Jésus dans la synagogue de Nazareth, tout au début de son ministère, sont d’autant plus remarquables du fait que lui et ses auditeurs étaient tous Juifs. Il lut dans le livre d’Ésaïe le passage suivant :

 

« L’Esprit du Seigneur est sur moi,

Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ;

Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé,

Pour proclamer aux captifs la délivrance,

Et aux aveugles le recouvrement de la vue,

Pour renvoyer libres les opprimés,

Pour publier une année de grâce du Seigneur »
(Luc 4.18‑19).

 

Et Jésus d’ajouter

 

« Aujourd’hui cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie »
(verset 21) ;

 

c’est-à-dire, il prétendit être le prophète dont parlait Ésaïe.

 

Ses auditeurs savaient bien pourquoi : il avait déjà prêché et fait des guérisons à Capernaüm. On lui demandait donc de faire la même chose chez ses anciens voisins. Jésus répliqua qu’ils n’avaient aucun droit à cet égard, qu’il fallait tout d’abord avoir foi en lui, si on voulait être guéri. Si cette foi leur manquait, tant pis pour eux : ils devraient relire l’histoire des prophètes — médecins d’autrefois, et en tirer les graves leçons nécessaires :

 

« Je vous le dis en vérité : il y avait plusieurs veuves en Israël du temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu’il y eut une grande famine sur toute la terre ; et cependant Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, si ce n’est vers une femme veuve, à Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël du temps d’Élisée, le prophète : et cependant aucun d’eux ne fut purifié, si ce n’est Naaman le Syrien »
(Luc 4.25‑27).

 

Notons : deux guérisons effectuées par deux prophètes d’Israël, mais avec deux Gentils comme sujets. C’était là le fait capital qu’il voulait souligner et dont il fallait tenir compte. Là où la foi manquait chez le peuple saint, il n’y avait pas eu de guérisons ; par contre, là où la foi existait chez des étrangers, des guérisons avaient été accomplies. La morale était trop évidente pour échapper à personne : quoiqu’ils fussent des Juifs, membres de la nation élue, Dieu ne leur était nullement redevable. C’est Lui seul qui fait le choix, et Il possède le droit absolu de choisir celui qu’Il désire. Prenez garde, leur disait Jésus, en effet. Ne comptez pas sur vos privilèges, car Dieu est le Dieu de toute la terre et toutes les nations Lui appartiennent à Lui seul.

 

Jean-Baptiste avait dit la même chose quelques mois plus tôt à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui :

 

« Produisez donc des fruits dignes de la repentance, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ! Car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham »
(Luc 3.8).

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Encore une fois il n’était pas question de faire partie de la famille nationale d’Abraham mais plutôt de partager sa foi. Sans cela la nation ne valait rien, mais la destruction la menaçait à cause de son péché. Au dire de Jean :

 

« Déjà même la cognée est mise à la racine des arbres »
(verset 9).

 

La nation était en péril ; son destin dépendait de sa conduite à l’égard des nouveaux prophètes — Jean lui-même, et Jésus qui lui succéderait sous peu.

 

Jean ne dit rien au peuple que les prophètes de l’Ancien Testament n’avaient déjà dit avant lui. En refusant de l’écouter, ils refusèrent donc en même temps d’écouter les prophètes anciens, de sorte que peu à peu le rejet d’Israël, prédit par ces mêmes prophètes. devint inévitable. L’état de leurs cœurs était déjà tel que la foi du centenier romain servait de repoussoir à l’infidélité de la plupart d’entre eux :

 

« Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi »
(Matthieu 8.10).

 

Comme du temps d’Élie et d’Élisée, la foi d’un païen révélait les défauts du peuple de Dieu. Et Jésus d’ajouter :

 

« Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l’orient et de l’occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents »
(Matthieu 8.11‑12).

 

Ce contraste des Gentils de l’orient et de l’occident avec les fils du royaume était très significatif. Il soulignait l’unité de l’humanité et l’universalité du plan de Dieu.

 

Longtemps avant, les Juifs, reconnaissant cette unité, avaient construit autour du temple saint une énorme cour à laquelle le nom de temple appartenait tout autant qu’au saint édifice lui-même. Là les Gentils avaient le droit d’adorer le Dieu d’Israël : toutefois (presque en signe de mépris, mais réellement à cause de leur cupidité) les Juifs avaient établi un marché de bétail. La loi de Moïse nécessitait un tel marché tout près du lieu saint choisi par Dieu (Deutéronome 14.24‑27), mais en l’établissant dans la cour même du temple les Juifs violaient les droits des Gentils d’adorer le Dieu de toute la terre. C’est pourquoi la colère de Jésus éclata :

 

« Il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple : il renversa les tables des changeurs, et les chaises des vendeurs de pigeons. Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs »
(Matthieu 21.12‑13).

 

Ésaïe avait prédit :

 

« Ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples »
(Esaïe 56.7).

 

Jésus ne faisait en effet qu’agir selon cette vérité, démontrant en même temps que Dieu recevrait un jour le culte de toute la terre. Ce jour viendrait grâce à lui, Jésus. Dans un certain sens ce jour était déjà arrivé, comme il l’indiquait à la Samaritaine :

 

« Le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité : car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité »
(Jean 4.22‑24).

 

Les Juifs ne voulaient pas envisager résolument les faits : ils étaient durs d’entendement. Mais bientôt, à cause de cela, les mots de Jean allaient s’accomplir :

 

« Tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits serti coupé et jeté au feu »
(Luc 3.9).

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Jésus voulait faire de son mieux pour le sauver, comme le vigneron qui voulait épargner le figuier qui occupait la terre inutilement et ne portait pas de fruit (Luc 13.6‑9). Mais tout serait en vain. La foi de la femme syro-phénicienne (Marc 7.24‑30) ne se reproduisait pas chez les Juifs. Ils allaient agir plutôt comme les mauvais vignerons de la parabole dont Jésus leur a parlé juste avant sa mort. Le maître de la maison leur envoya à tour de rôle une succession de serviteurs pour recevoir le produit de sa vigne. Ils les battirent, en tuant même quelques-uns.

 

« Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais, quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux : Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et emparons-nous de son héritage. Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors du village, et le tuèrent »
(Matthieu 21.37‑39).

 

De la sorte Jésus prédit sa mort imminente, aux mains de ces mêmes auditeurs, et s’affirme le Fils du Maître divin aux cieux. Pour qu’ils se condamnent eux-mêmes, il leur pose cette question :

 

« Maintenant. lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent : Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en donneront le produit au temps de la récolte »
(versets 40‑41).

 

Ils avaient dit vrai, mais en même temps ils avaient prédit leur propre sort. Au dire de Jésus :

 

« C’est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits »
(verset 43).

 

Ce disant Jésus prédit la propagation de l’évangile à travers le monde entier et le choix d’un nouveau peuple saint pour remplacer les infidèles. Israël ressemblait à des invités qui avaient refusé l’invitation d’un roi aux noces de son fils, quoique cette invitation fut répétée à maintes reprises : ils ne voulurent pas venir, et quelques-uns

 

« se saisirent des serviteurs
(c’est-à-dire, les prophètes, et mêmes les apôtres),
les outragèrent et les tuèrent »
(Matthieu 22.6).

 

A cause de cela,

 

« le roi fut irrité ; il envoya ses troupes, fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville »
(verset 7).

 

Ici, encore une fois, Jésus agissait en prophète : il prédisait l’invasion des troupes romaines, la chute de Jérusalem et sa destruction — en somme, la fin de l’état juif et la dispersion du peuple saint sur toute la terre à cause de leurs péchés. Mais l’invitation qu’ils avaient refusée serait répétée pour permettre à d’autres d’assister aux noces — cette « nation » dont il avait parlé dans la parabole précédente. Alors le roi dit à ses serviteurs :

 

« Les noces sont prêtes ; mais les conviés n’en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours, et appeler, aux noces tous ceux que vous trouverez »
(verset 9).

 

Ici il s’agissait de la prédication de l’Évangile à tout peuple, prédication qui suivrait sa mort après un délai de quelques années. Il anticipa sur l’œuvre de ses apôtres quand il dit :

 

« Ces serviteurs allèrent dans les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, méchants et bons, et la salle des noces fut pleine de convives »
(verset 10).

 

De cette façon il indiqua que le plan de Dieu pour tous les peuples s’accomplirait malgré la défaillance d’Israël.

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3. La bonne nouvelle destinée à tous les peuples

 

D’un certain point de vue le troisième Évangile du Nouveau Testament — celui selon Luc — et le livre intitulé « Actes des Apôtres » sont deux œuvres indépendantes : on peut lire la première indépendamment de l’autre, et vice versa. Mais il n’est que trop évident que c’est Luc qui les a écrites, l’une et l’autre, et qu’entre elles il existe un lien très étroit. Il y a une continuité d’intérêt qui les unit d’une façon remarquable et qui explique surtout le caractère spécial des Actes. D’après l’avant-propos des Actes, Luc dans son premier livre avait comme but de raconter « tout ce que Jésus a commencé à faire » (Actes 1.1). Il faut souligner ces mots, « a commencé » ; ils font ressortir le but que poursuit Luc dans son deuxième livre, savoir, celui de raconter tout ce que Jésus continua de faire après le jour où il fut enlevé au ciel. Les Actes des apôtres sont en même temps les actes du Seigneur : tout ce que font les apôtres est fait par lui, puisque c’est lui qui les inspire et qui les dirige, surtout quand ils ne connaissent pas bien leur devoir.

 

Pour bien comprendre ce devoir il faut se rendre compte que la fin de l’Évangile de Luc et le commencement des Actes traitent du même sujet. Mais il faut aussi se rendre compte qu’ils en traitent d’un point de vue différent. Commençons par examiner la conclusion de l’Évangile. Jésus, ressuscité, se présente parmi ses disciples. Pour les convaincre que c’est vraiment lui, il leur ordonne de le toucher, lui-même prend des aliments devant eux.

 

« Puis il leur dit : C’est là ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Écritures »
(Luc 24.44‑45).

 

Ils connaissaient déjà les Écritures, c’est-à-dire l’Ancien Testament, mais ils ne les avaient pas entièrement comprises. C’est pourquoi Jésus leur ouvrit l’esprit. Alors, pour la première fois, ils comprirent pourquoi il leur avait parlé tant de fois pendant son ministère de mourir et de ressusciter des morts. Mais ils comprirent également pour la première fois pourquoi il avait fallu qu’il meure :

 

« Il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem »
(Luc 24.46‑47).

 

Et Jésus d’ajouter :

 

« Vous êtes témoins de ces choses »
(verset 48).

 

Témoins non seulement de sa mort et de sa résurrection, mais surtout de ce qui en résulterait — le pardon des péchés pour toutes les nations.

 

Si, désormais, la repentance se rapportait à tous les peuples et non seulement au peuple choisi, alors évidemment il faudrait en faire part à tous les peuples. Ce fut là la tâche que Jésus légua à ses apôtres avant de les quitter pour la dernière fois. Il leur ordonna de prêcher la bonne nouvelle dans le monde entier. D’après l’Évangile il leur promit le Saint-Esprit, les bénit et ensuite fut enlevé au ciel.

 

« Pour eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie : et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu »
(Luc 24.52‑53).

 

C’est de la sorte que se termine l’Évangile, laissant les « témoins » encore à Jérusalem, attendant l’accomplissement de la promesse de Jésus. Au commencement des Actes, Luc récapitule les événements principaux, mais il souligne le caractère de la tâche léguée par Jésus aux disciples en citant ses paroles plus en détail :

 

« Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre »
(Actes 1.8).

 

Luc n’a pas besoin de signaler à Théophile ce dont ils seraient les témoins : il le lui signala dans son premier livre — « la repentance et le pardon des péchés en son nom pour toutes les nations ». Au lieu d’indiquer le caractère de leur témoignage, il en précise l’universalité. La bonne nouvelle est pour tous ; alors il faut que tous l’entendent — ce qui ne peut arriver que si onze hommes, « hommes du peuple et sans instruction », sont prêts à voyager jusqu’aux extrémités de la terre pour annoncer cette nouvelle à ceux d’entre toutes les nations qui veulent l’écouter. Grâce aux Actes, nous savons comment ces hommes, apparemment sans les capacités nécessaires, réussirent à accomplir leur tâche surhumaine, malgré toutes les difficultés : et parmi celles-ci les difficultés religieuses étaient de loin les plus formidables, comme nous ne tarderons pas à voir en examinant l’histoire que nous a laissée Luc.

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4. A commencer par Jérusalem

 

Pour Abraham, comme pour les fidèles de tout âge, Dieu est « celui qui juge toute la terre », c’est-à-dire, le Dieu universel, l’Unique. Jésus laissa à une petite bande d’« hommes du peuple, sans instruction » la tâche de porter cette nouvelle à travers le monde et de convaincre leurs auditeurs qu’il n’y a de salut en aucun autre que Jésus :

 

« car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés »
(Actes 4.12).

 

Cette tâche fut vraiment formidable, mais grâce à Luc nous connaissons à fond la manière dont elle s’accomplit. Peu à peu, commençant à Jérusalem, l’Évangile se répandit dans tout l’Empire romain et devint la bonne nouvelle pour tous les hommes qui cherchent le salut.

 

Le récit de Luc commence par un exposé de la situation de l’église chrétienne nouvelle-née de Jérusalem. Jésus fut élevé au ciel et ses disciples devaient commencer dans un bref délai l’œuvre qu’il leur avait léguée.

 

« Restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut » (Luc 24.49), leur avait-il dit. Obéissant à cet ordre, après son ascension,

 

« ils retournèrent à Jérusalem de la montagne appelée des Oliviers »
(Actes 1.12),

 

et attendirent le don du Saint-Esprit. Mais longtemps après, ils se trouvèrent encore là dans cette ville, n’étant pas encore partis pour les régions en dehors de la Palestine où ils devaient également être témoins de leur foi. La première division des Actes ne se termine qu’au sixième chapitre, mais elle finit, comme elle commence, par une allusion à l’activité des fidèles à Jérusalem — ils n’étaient pas encore allés plus loin, comme leur mission l’exigeait.

 

A partir de ce point, pourtant, Luc suit les activités des divers prédicateurs, ce qui nous amène enfin jusqu’à Rome ; Rome qui représentait en quelque sorte les « extrémités de la terre », puisque des gens de chaque pays s’y trouvaient mêlés lors du temps de la Grandeur de l’Empire romain. Mais bien que cette propagation du christianisme à travers le monde soit le thème principal de son livre, Luc trouve nécessaire préalablement de parler assez longuement de l’église primitive à Jérusalem, pour mieux indiquer comment un petit groupe de disciples, aux vues très bornées, devint une force évangélique irrésistible qui bouleversa le monde. Sans comprendre le début et les premières activités très restreintes des chrétiens de la ville sainte, on ne peut pas comprendre comment leur message est parvenu même jusqu’à la ville païenne qui dominait sur tous les pays civilisés de ces jours-là. Cette première division de l’œuvre de Luc a donc une importance capitale.

 

Cette division (Actes 1.1 – 6.7) se divise à son tour en plusieurs parties, mais elle se rapporte exclusivement à l’église primitive à Jérusalem. Une fois Matthias élu apôtre en remplacement de Judas, les disciples attendirent la puissance divine dont Jésus avait parlé. Suit l’effusion du Saint-Esprit quelques jours plus tard, et ensuite vient le premier témoignage public à la résurrection du Seigneur. « La résurrection du Christ » - voilà le sujet non seulement du discours de Pierre le jour de la Pentecôte, mais également de toute cette première division du livre. Partout c’est le thème principal : Matthias fut élu apôtre exprès pour servir de témoin, et malgré leurs difficultés « les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus » (Actes 4.33).

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Non que leurs difficultés fussent considérables pour commencer ; tout au contraire, en un seul jour le nombre des disciples augmenta d’environ trois mille âmes. En outre, la crainte s’emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres (Actes 5.11‑12). Tous les convertis menaient une fervente vie spirituelle, et, fait capital, « ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple » (Actes 2.46). C’est-à-dire ils restèrent membres de l’église juive orthodoxe et, au lieu d’être persécutés, ils trouvèrent « grâce auprès de tout le peuple » (verset 47).

 

Ce fut lors d’une visite au temple que Pierre opéra un miracle notable qui suscita un intérêt très vif parmi les foules qui fréquentaient le temple : nous parlons de la guérison du boiteux. Ce fut justement à cause d’un si grand rassemblement que « survinrent les sacrificateurs, le commandant du temple, et les sadducéens, mécontents de ce qu’ils enseignaient le peuple, et annonçaient en la personne de Jésus la résurrection des morts » (Actes 5.1‑2). Et ce fut précisément à cause de cela que Pierre et Jean furent jetés en prison. Mais malgré l’hostilité des chefs juifs, « beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole crurent, et le nombre des hommes s’éleva à environ cinq mille » (Actes 5.4).

 

Le lendemain, devant leurs juges, Pierre réaffirma le fait de la résurrection du Seigneur, et les chefs durent se contenter tout simplement de leur défendre avec menaces de parler désormais en ce nom-là, « ne sachant comment les punir, à cause du peuple, parce que tous glorifiaient Dieu de ce qui était arrivé ». Les disciples fortifiés par le courage de Pierre et de Jean, et priant Dieu de donner à Ses serviteurs d’annoncer la parole avec une pleine assurance, continuèrent de rendre témoignage de la résurrection. « Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance » (Actes 4.31) — mais à Jérusalem seulement.

 

Tout le temps, la vie commune de l’église était possible et fervente : « tout était commun entre eux […]. Et une grande grâce reposait sur eux tous » (Actes 4.32‑33). La perfidie d’Ananias et de Saphira troubla seule leur repos et tacha leur vie spirituelle, mais comme suite de leur action un châtiment divin enleva ces infidèles, et « une grande crainte s’empara de toute l’assemblée et de tous ceux qui apprirent ces choses » (Actes 5/11). Suivirent maints miracles faits par les mains des apôtres, et le nombre des croyants allait en grandissant de jour en jour.

 

Ce progrès continuel finit par remplir les pouvoirs religieux juifs d’une jalousie irrésistible. Ils arrêtèrent toute la bande apostolique pour mettre fin à ce témoignage couronné d’un succès si éclatant — mais en vain : l’ange du Seigneur délivra les apôtres et l’auguste sanhédrin se trouva impuissant à les faire taire. L’œuvre de témoignage continua sans échec, et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, « ils ne cessaient d’enseigner, et d’annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ » (Actes 5.42).

 

Mais, hélas, cet état des choses risquait de faire oublier aux apôtres leur mission, celle d’annoncer cette bonne nouvelle non seulement dans le temple et dans les maisons de Jérusalem, mais aussi partout dans le monde. Plus grave encore, ces prédicateurs fervents n’étaient pas encore prêts eux-mêmes à accomplir leur vraie tâche. Habitués à prêcher seulement aux Juifs, ils ne se rendaient pas suffisamment compte du fait que le vrai évangile promettait le pardon des péchés à tous les peuples. Cet aspect de l’évangile risquait donc d’être oublié, tellement les circonstances favorables en retenaient les gardiens à Jérusalem, et leur cachaient l’universalité de leur message. L’œuvre semblait aller essuyer un échec au moment même de réussir d’une façon tout à fait étonnante. Comment donc cette église travailleuse, tellement absorbée par un travail concentré dans un seul centre, s’est-elle transformée en un mouvement évangélique qui n’a pas tardé à bouleverser tout le monde païen de ce temps ? C’est une crise intestine qui en fournit l’explication, un événement apparemment sans importance mais qui entraîna des conséquences vraiment capitales, pour l’église, pour Luc, ainsi que pour nous.

 

Avant donc de se mettre à rapporter à ses lecteurs les prochains actes des apôtres, il leur expose cette crise et termine son récit de la première église chrétienne de Jérusalem, lui faisant ses adieux avec ce seul commentaire :

 

« La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi »
(Actes 6.7).

 

Désormais, c’est du monde en-dehors de Jérusalem qu’il sera question.

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5. La porte de la foi ouverte aux nations

 

Trois ou quatre ans seulement s’écoulent après l’Ascension, et voici l’église chrétienne établie solidement à Jérusalem, centre et cœur du monde juif. Elle commande l’admiration de tout le peuple, et, malgré quelques rares persécutions, elle jouit d’une tolérance vraiment étonnante et d’une vie commune affectueuse et pleine de grâce.

 

Mais tout en prospérant de la sorte, l’église négligeait sa véritable vocation, celle de prêcher l’évangile à toutes les nations, même jusqu’aux extrémités de la terre. Cette tolérance dont l’église jouissait avec complaisance, devenait de plus en plus une entrave. Plus la Parole de Dieu se répandait dans Jérusalem, moins on pensait à l’annoncer parmi les Juifs dispersés, sans parler des Gentils.

 

Puis, soudain, une crise survint qui troubla le calme des croyants, entraînant des conséquences qui les forcèrent à quitter la capitale et leur présentèrent en même temps des occasions de prêcher à de nouveaux auditeurs partout où ils allèrent pour se sauver de la persécution dont ils se virent maintenant les victimes innocentes.

 

Le nombre des disciples augmentant, la minorité des croyants hellénistes (c’est-à-dire des Juifs convertis qui, nés hors de Palestine, parlaient grec), murmurèrent contre leurs coreligionnaires hébraïques, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Suivant la décision des apôtres, sept hommes, dont Étienne le plus éminent, furent élus pour se charger de la distribution et protéger les veuves helléniques contre toute injustice.

 

Étienne, homme plein de foi et d’Esprit-Saint, plein de grâce et de puissance, opérait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple. Il fit même davantage. Helléniste, il pensait moins au temple que ses frères hébraïques ; tandis qu’eux, de leur côté, ne cessaient d’enseigner chaque jour dans le temple et dans les maisons, lui se rendait à une synagogue helléniste de la capitale, et là il discutait avec d’autres hellénistes orthodoxes qui ne pouvaient résister à sa sagesse. Ceux-ci, subornant de faux témoins, l’accusèrent devant le tribunal juif de proférer des blasphèmes contre le lieu saint et contre la loi, disant :

 

« Nous l’avons entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données »
(Actes 6.14).

 

Leurs accusations, ainsi que sa défense de soi-même, nous permettent de deviner ce qu’il leur avait dit avec tant de hardiesse. Il leur avait parlé du pardon des péchés pour tous les peuples — ce qui impliquait la disparition de la loi de Moïse, et, avec elle, du temple, puisque les fidèles, demeurant un peu partout, pourraient désormais adorer leur Père divin n’importe où, n’ayant plus besoin d’un bâtiment matériel.

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Dans son apologie devant le Sanhédrin il tira ses arguments de l’Ancien Testament, prouvant que Dieu était déjà apparu aux fidèles d’autrefois dans des lieux se trouvant en dehors du pays saint, et que le vrai culte ne dépend pas d’un temple. En se raccrochant au temple, les Juifs se raccrochaient à l’œuvre de leurs propres mains, de façon que leur culte ne valait pas mieux que l’idolâtrie de leurs aïeux : adorant la Loi, ils désobéissaient à son Auteur, et s’opposaient inutilement à la prédication d’Étienne dans leur synagogue. C’étaient eux, plutôt que lui, qui se trouvaient dans l’erreur.

 

Son témoignage fidèle lui coûta la vie. Pour avoir bien compris la vraie portée du christianisme, il dut subir une mort cruelle et injuste — mort que le jeune Saul approuva avec une férocité qui servait peut-être à déguiser l’effet opéré sur lui par la prédication et la foi d’Étienne. Mais pour le présent, ce Saul poursuivait un but unique : celui de détruire totalement la nouvelle hérésie.

 

Ainsi se termina la brève période de tolérance et de calme. Une grande persécution éclata contre l’église de Jérusalem, et tous, excepté les apôtres, se dispersèrent dans les contrées de la Judée et de la Samarie (Actes 8.1). Mais tout en fuyant la persécution, ils ne manquaient pas d’annoncer partout où ils allaient la bonne nouvelle du royaume. Philippe, par exemple, prêcha le Christ aux Samaritains — développement naturel par suite de la dispersion récente, mais qui, à part cette persécution, ne se serait probablement jamais présenté à l’esprit de l’église de Jérusalem. Néanmoins, les Samaritains étaient à moitié Juifs et s’attachaient fidèlement à la Loi ; ce fut justement pourquoi Pierre et Jean n’hésitèrent pas à approuver cette nouvelle tendance. Même l’eunuque éthiopien était venu à Jérusalem exprès pour adorer le Dieu d’Israël et lisait l’Ancien Testament. Quoique Gentil, il était juif pour ainsi dire quant à la foi. Le nouveau développement devait donc son origine à un accident historique, et non à la volonté des premiers croyants. Ils prêchèrent au-delà de Jérusalem, et au-delà également des limites de l’église juive orthodoxe, presque contre leur gré. Ce qu’ils ne voulaient pas faire d’eux-mêmes, les événements les obligèrent à le faire, même avec empressement quand l’occasion s’en présenta.

 

Sur ces entrefaites, Saul devint chrétien à Damas. Presque aussitôt la persécution cessa, et l’église — maintenant dispersée et accrue — se trouvait en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, s’édifiant et marchant dans la crainte du Seigneur, et s’accroissant par l’aide du Saint-Esprit. Tout en s’accroissant, elle admettait sans doute d’autres convertis semblables aux Samaritains et à l’eunuque, qui étaient déjà devenus Juifs quant à la foi et qui observaient toute la Loi, s’étant soumis à la circoncision avant d’entendre l’Évangile.

 

Mais jusqu’ici personne n’avait osé envisager la conversion de ceux qui étaient des Gentils non seulement selon la chair mais aussi par leur foi. Il fallait une révélation spéciale pour convaincre Pierre que Dieu est le Dieu de toutes les nations et que quiconque possède une foi sincère peut profiter du salut en Christ. Quand même, il fut d’autant plus facile pour Pierre d’accepter cette vérité que Corneille — le sujet de cette révélation — s’intéressait déjà au culte de la synagogue, craignant Dieu (c’est-à-dire le Dieu d’Israël) et menant une vie spirituelle et morale exemplaire. Mais il n’en restait pas moins vrai que Corneille était un pur Gentil, et il coûta cher à Pierre de souscrire à cette vérité que Dieu ne fait point acception de personnes, mais

 

« qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable »
(Actes 10.35).

 

Ainsi convaincu, il prêcha la parole à Corneille et à sa famille. Puis, fait des plus étonnants, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole — et ils étaient Gentils (verset 44) ! Rien d’extraordinaire que tous les fidèles circoncis qui étaient venus avec Pierre, furent étonnés de ce que le don du Saint-Esprit était ainsi répandu sur les païens. Par conséquent, nul d’entre eux n’osa défendre que Corneille et ses amis soient baptisés au nom du Seigneur.

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Tout de suite, les fidèles de Jérusalem en prirent ombrage — fait qui souligne que toujours ils ne comprenaient pas la véritable portée de l’Évangile. Ils adressèrent des reproches à Pierre, disant :

 

« Tu es entré chez des incirconcis, et tu as mangé avec eux »
(Actes 11.3).

 

Pour leur répondre, Pierre leur raconta les faits récents, déclarant :

 

« Or, puisque Dieu leur a accordé le même don qu’à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, pouvais-je, moi, m’opposer à Dieu ? »
(Actes 11.17).

 

Cette réponse leur donna pleine satisfaction et ils glorifièrent Dieu, disant :

 

« Dieu a donc accordé la repentance aussi aux païens, afin qu’ils aient la vie »
(verset 18).

 

Ainsi, par suite d’une série d’événements extraordinaires, l’église de Jérusalem finit par comprendre dans une certaine mesure, tout au moins, la portée de l’Évangile. La semence jetée par Étienne commençait à porter fruit.

 

Ailleurs cette semence avait déjà fructifié. Car, dans l’intervalle, certains d’entre les fidèles dispersés par la persécution survenue à l’occasion de la mort d’Étienne, allèrent jusqu’en Phénicie, dans l’île de Chypre, et à Antioche (Actes 11.19). Conformément à leurs idées au début, ils commencèrent par annoncer la Parole uniquement aux Juifs. Cependant, il se trouvait parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène qui, étant arrivés à Antioche, s’adressèrent aussi aux Grecs, et leur annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus.

 

Alors, le bruit en parvenant aux oreilles de l’église de Jérusalem, les membres de cette église — ayant déjà donné leur assentiment à la conduite de Pierre — envoyèrent Barnabas jusqu’à Antioche. Lui, voyant que la main du Seigneur Jésus était avec les prédicateurs d’Antioche, s’en réjouit, et se rendit à Tarse pour aller chercher Saul, chrétien à présent. Ils se mirent ensemble à activer la nouvelle œuvre. Pendant toute une année, ils assistèrent aux réunions de l’église, et instruisirent beaucoup de personnes. Notons que ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens (Actes 11.26). Enfin l’église commençait à remplir sa véritable mission en faisant des disciples parmi tous les habitants de la ville, sans distinction de race.

 

Mais pourquoi se borner à une seule ville ? L’œuvre une fois lancée, il fallait l’étendre. Alors, après une visite à Jérusalem faite par Saul et Barnabas, ceux-ci se trouvant de retour à Antioche, le Saint-Esprit fit choix d’eux pour aller ailleurs propager l’évangile (Actes 13.2) — au Juif premièrement, mais aussi au Grec — exécutant ainsi la volonté du Seigneur. C’est pourquoi Barnabas et Saul partirent pour l’île de Chypre, d’où ils poursuivirent leur chemin jusqu’à la Galatie du Sud.

 

Là, d’abord à Antioche de Pisidie, Paul s’adressa et aux Juifs et aux Grecs. Ceux-là furent mécontents de son appel aux Grecs et de son attitude envers la Loi de Moïse. Bientôt après, Paul dut se séparer de la synagogue. Ce fut là, à Antioche de Pisidie, qu’il prit la grande décision de s’adresser uniquement aux Gentils (Actes 13: 46), s’appuyant sur l’Ancien Testament et citant les paroles d’Ésaïe au sujet du Messie :

 

« Je t’ai établi pour être la lumière des nations, pour porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre »
(Actes 13.47).

 

Ces paroles avaient résumé, des centaines d’années à l’avance, l’universalité de l’Évangile. Cette universalité entraîna Paul à prêcher aux païens de Lystre le Dieu unique ; son ministère en Galatie dura plus de deux ans et aboutit à la conversion d’un grand nombre de personnes. Leur travail fini, Paul et Barnabas s’embarquèrent pour Antioche, d’où ils avaient été recommandés à la grâce de Dieu pour l’œuvre qu’ils venaient d’accomplir.

 

Arrivés là, ils convoquèrent l’église pour lui rendre compte de leurs activités. Résumant leur œuvre, Luc ne peut mieux faire que de dire tout simplement :

 

« Ils racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi »
(Actes 14.27).

 

Cette porte, une fois ouverte, ne s’est jamais fermée depuis. Rendons grâces à Dieu qu’il en soit ainsi.

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6. Le statut des croyants gentils

 

Paul et Barnabas étaient à peine rentrés à Antioche de Syrie qu’une grave crise éclata pour agiter l’église. Longtemps avant, lors de la conversion de Corneille, les fidèles circoncis avaient adressé des reproches à Pierre à cause de ses actions à Césarée. Mais Pierre, en leur exposant ce qui s’était passé, surtout l’effusion du Saint-Esprit sur Corneille et sa famille, les avait réduits au silence par un argument qui n’admettait aucune réplique :

 

« Or, puisque Dieu leur a accordé le même don qu’à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, pouvais-je, moi, m’opposer à Dieu ? »

 

Ces mots suffirent :

 

« Après avoir entendu cela, ils se calmèrent, et ils glorifièrent Dieu, en disant : Dieu a donc accordé la repentance aux païens, afin qu’ils aient la vie »
(Actes 11.17‑18).

 

Ainsi repoussés, ces croyants se trouvèrent obligés de donner leur assentiment à la mission à Chypre et en Galatie, qui eut lieu peu de temps après sous la direction des deux apôtres, Paul et Barnabas.

 

Mais tout en permettant ce nouveau développement, ils s’obstinèrent à le désapprouver pour une tout autre raison. Ils ne firent que changer de terrain, et ne pouvant pas empêcher l’activité de Paul et de Barnabas ils décidèrent d’y trouver à redire, espérant de la sorte réduire les effets au minimum. Arrivés donc à Antioche, Paul et Barnabas trouvèrent que

 

« quelques hommes, venus de Judée, enseignaient les frères, en disant : Si vous n’êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés »
(Actes 15.1).

 

Il n’y a eu rien de plus spontané que la réaction des apôtres :

 

« Paul et Barnabas eurent avec eux un débat et une vive discussion. »

 

La situation était en effet si grave que

 

« les frères décidèrent que Paul et Barnabas, et quelques-uns des leurs, monteraient à Jérusalem vers les apôtres et les anciens, pour traiter cette question »
(Actes 15.2).

 

C’est sans doute juste avant leur départ pour Jérusalem que Paul écrivit l’épître aux Galates. Dans son épître, il indique qu’il les avait visités deux fois, et, d’après les Actes, voilà précisément ce qu’il avait fait au cours de sa récente mission : il avait parcouru la province d’abord de l’ouest au sud-est, en allant jusqu’à Derbe, puis en sens inverse en retournant de cette ville à Antioche en Pisidie (Actes 14.21-23). Il parle également aux Galates de deux visites à Jérusalem — celles-ci étant évidemment les deux dont nous lisons le récit dans les Actes, la première en revenant à la capitale de Damas (Actes 9.23‑30), la deuxième comme représentant de l’église d’Antioche en Syrie pour distribuer le don de vivres pendant la famine (Actes 11.27‑30 ; 12.25).

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Nous pouvons donc déterminer exactement le temps de la composition de sa lettre aux Galates. Là où il se trouvait lorsqu’il écrivit l’épître, ses compagnons étaient du même avis en ce qui concernait « cette question » du statut des païens convertis. Il ajouta leur nom au sien, écrivant de la part de lui-même, « Paul, apôtre », et aussi de la part de « tous les frères qui sont avec moi » (Galates 1.1‑2). L’existence de cet accord est exactement ce que le récit des Actes nous aurait portés à croire, car

 

« après avoir été accompagnés par l’Église, Paul et Barnabas poursuivirent leur route à travers la Phénicie et la Samarie, racontant la conversion des païens, et ils causèrent une grande joie à tous les frères »
(Actes 15.3).

 

Or, puisque l’épître aux Galates et les discussions à Jérusalem qui suivirent, traitèrent du même sujet, il est évident que la même crise agitait en même temps les nouvelles églises récemment fondées par Paul ainsi que celle d’Antioche. C’est-à-dire, les hommes qui étaient venus de Jérusalem avaient envoyé des représentants même plus loin jusqu’en Galatie, pour y détruire l’œuvre nouvellement commencée.

 

Paul avait bien envie de retourner sur-le-champ à ses nouveaux convertis, comme son épître l’indique (Galates 4.20), étant dans une inquiétude angoissée à leur sujet. Mais inutile d’attaquer ses ennemis, et les ennemis du vrai Évangile, à une grande distance de leur centre, Jérusalem. Il résolut donc de visiter préalablement cette ville, et dans l’intervalle d’expédier une épître pastorale aux Galates pour les fortifier pendant son absence.

 

Le voilà donc se rendant à Jérusalem avec les autres délégués d’Antioche. Enfin il y arriva. Tout de suite

 

« quelques-uns du parti des pharisiens, qui avaient cru, se levèrent, en disant qu’il fallait circoncire les païens et exiger l’observation de la loi de Moïse »
(Actes 15.5).

 

Suivit une conférence d’une importance capitale pour le christianisme. Après une grande discussion, Pierre prit la parole et rappela aux croyants les faits relatifs à la conversion de Corneille et des autres Gentils de sa maison :

 

« Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous ; il n’a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? »
(Actes 15.8‑10).

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A cet appel, Paul et Barnabas ajoutèrent la preuve de tous les miracles et les prodiges que Dieu avait opérés par eux au milieu des païens. Jacques n’avait plus qu’à citer l’Ancien Testament pour établir la thèse des frères ; il conseilla à la conférence de rédiger une lettre destinée aux églises composées de Juifs et de Gentils, pour régler l’affaire, lettre qui ne demanderait aux frères gentils que quelques actions relativement faciles pour ne pas scandaliser leurs frères juifs.

 

Cette lettre, dénonçant ceux qui avaient ébranlé les églises, fut confiée à deux délégués, Jude et Silas, qui furent chargés de la tâche d’en expliquer le sens et de rassurer les églises troublées. Cette lettre marquait la victoire de « la grâce » sur « la loi », du vrai évangile sur le faux, de la liberté pour laquelle le Christ nous a affranchis sur la servitude que symbolisait la loi de Moïse.

 

Une fois pour toutes, le statut des païens convertis fut réglé, et cela de façon officielle. Inutile pour les frères juifs conservateurs d’exiger désormais que leurs frères non-juifs observent la loi. L’église principale avait prononcé un jugement formel.

 

Dans un bref délai Paul, n’étant plus empêché de visiter la Galatie, s’y rendit, accompagné de Silas et portant avec lui la lettre décisive. Et, tous deux,

 

« en passant par les villes, ils recommandaient aux frères d’observer les décisions des apôtres et des anciens à Jérusalem »
(Actes 16.4).

 

Notons bien que parmi ces villes il fallait compter des villes galates, villes jusqu’où les ennemis de l’Évangile étaient allés, en poursuivant leurs tentatives d’annuler l’œuvre de Paul et de Barnabas. Rien d’étonnant alors que

 

« les Églises se fortifiaient dans la foi, et augmentaient de nombre de jour en jour »
(Actes 16.5).

 

Tous les croyants étaient maintenant pleinement convaincus qu’ils étaient tous « un en Jésus-Christ ».

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7. Gentils devenus Juifs

 

Les derniers chapitres des Actes racontent la conquête du monde païen en deux longues campagnes par l’apôtre Paul. L’une après l’autre, les trois grandes provinces orientales de l’Empire romain — Macédoine, Achaïe, Asie — succombent sous les attaques de ce bon soldat de Jésus-Christ qui allait partout prêchant le pardon des péchés par Jésus et l’unité de tous les croyants en son nom.

Son œuvre dans ces régions presque achevée,

 

« Paul forma le projet d’aller à Jérusalem, en traversant la Macédoine et l’Achaïe. Quand j’y serai allé, se disait-il, il faut aussi que je voie Rome »
(Actes 19.21).

 

D’une façon tout à fait inattendue, Paul put accomplir ce dessein. Après une série de dures épreuves, y compris deux années de prison à Césarée, il arriva à Rome, prisonnier portant des liens. Mais selon son propre dire, « la Parole de Dieu n’était pas liée », et malgré ses difficultés et l’opposition de ses frères juifs (et quelquefois même de ses frères chrétiens — Philippiens 1.15‑17), il put continuer son témoignage pour le Christ au centre du monde civilisé de ces jours-là :

 

« Paul demeura deux ans entiers dans une maison qu’il avait louée. Il recevait tous ceux qui venaient le voir. Prêchant le royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, en toute liberté et sans obstacle »
(Actes 28.30‑31).

 

C’est par cette déclaration que le livre des Actes se termine brusquement, ce qui signifie que pour Luc son récit a atteint sa fin naturelle. Il voit dans l’arrivée à Rome de Paul, le champion du vrai Évangile, l’accomplissement du commandement de Jésus :

 

« Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre ».

 

Car l’Évangile, parvenant jusqu’à ce centre cosmopolite et y triomphant de ses adversaires, ne tarderait pas à s’étendre même jusqu’aux frontières les plus lointaines de l’empire. Pour Luc, la métropole étant tombée, la conquête du reste de l’empire n’était qu’une affaire de quelques années. Il ne s’occupe donc dans son récit de rien d’autre que le progrès de la prédication de l’Évangile vers le centre du monde païen en partant de la capitale du monde juif : c’est-à-dire depuis Jérusalem jusqu’à Rome. Ayant donc tracé les activités de l’apôtre, il termine son récit d’une façon naturelle en indiquant que les pouvoirs civils laissèrent Paul poursuivre son but « en toute liberté et sans obstacle ».

 

Il est bien évident que Luc n’avait pas l’intention de dire beaucoup au sujet de la vie et de l’organisation intérieures de l’Église. Cela n’était pas compris dans son plan. Il suffit donc pour lui de dire : « Paul forma le projet d’aller à Jérusalem ». Mais pour en apprendre la raison il faut chercher ailleurs les renseignements nécessaires. C’est Paul lui-même qui nous les fournit. Il forma ce projet à Éphèse. C’est là qu’il écrivit aux Corinthiens comme suit :

 

« Pour ce qui concerne la collecte en faveur des saints, agissez, vous aussi, comme je l’ai ordonné aux Églises de la Galatie. Que chacun de vous, le premier jour de la semaine, mette à part chez lui ce qu’il pourra, selon sa prospérité, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les dons. Et quand je serai venu, j’enverrai avec des lettres, pour porter vos libéralités à Jérusalem, les personnes que vous aurez approuvées. Si la chose mérite que j’y aille moi-même, elles feront le voyage avec moi »
(1 Corinthiens 16.1‑4).

 

D’où il ressort clairement que Paul organisa une quête au cours de sa deuxième mission, quête dont le produit fut destiné, notons-le bien, aux croyants pauvres de Jérusalem. De la Galatie, de l’Asie également (Paul s’y trouvait lors de l’expédition de son épître), ainsi que de l’Achaïe, un don d’argent considérable allait être expédié au grand centre de l’Église chrétienne. Et il faut encore ajouter une quatrième province — la Macédoine — où Paul comptait bientôt passer en route pour Corinthe.

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Or, une question se pose immédiatement. Pourquoi Paul a-t-il organisé cette collecte ? Ce sont les noms des quatre provinces dont il s’agit qui en donnent l’explication. Toutes les quatre provinces comprenaient les villes où il venait, pendant les cinq ou six dernières années, de fonder des églises mixtes — composées de Juifs et de Gentils — où les Gentils convertis jouissaient d’une pleine liberté en Jésus-Christ, des églises telles que celles d’Antioche et d’Icone qu’il avait récemment fortifiées dans la foi à l’aide de la lettre portée par Silas et venant des apôtres et des Anciens de Jérusalem. Or, maintenant que la liberté des Gentils avait été franchement reconnue par les croyants juifs de Jérusalem, il est évident que Paul voulait que ces Gentils reconnussent leur devoir envers ces frères juifs. Dans ce but il résolut d’organiser cette quête. Les fidèles de Jérusalem avaient des doutes au sujet de leurs soi-disant frères gentils, se demandant s’ils menaient une vie vraiment chrétienne, s’ils avaient vraiment abandonné leur genre de vie païen. Ce qu’il fallait pour les convaincre de la sincérité de leurs nouveaux coreligionnaires fut quelque action impressionnante de la part de ceux-ci. La solution qui se présenta à l’esprit de Paul fut la collecte. Si les croyants de Jérusalem l’acceptaient, pourraient-ils continuer à mépriser leurs bienfaiteurs ? Et si les Gentils commençaient aussi à mépriser l’étroitesse d’esprit et les préjugés de leurs frères juifs, qu’est-ce qui pourrait leur faire plus de bien qu’un tel appel à leur charité ? D’une façon ou de l’autre, il espérait persuader à ceux qui, malgré les différences de nationalité, étaient vraiment « un en Jésus-Christ », qu’ils appartenaient à une seule famille, celle des fils de Dieu.

 

Alors il pria instamment les frères gentils de faire tout leur possible pour aider les pauvres de Jérusalem, soulignant surtout la bonne impression qui pourrait en résulter chez les croyants juifs :

 

« Car le secours de cette assistance non seulement pourvoit aux besoins des saints, mais il est encore une source abondante de nombreuses actions de grâces envers Dieu. En considération de ce secours dont ils font l’expérience, ils glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession de l’Évangile de Christ, et de la libéralité de vos dons envers eux et envers tous ; ils prient pour vous, parce qu’ils vous aiment à cause de la grâce éminente que Dieu vous a faite »
.

 

Et Paul ajoute, pour les encourager à être généreux envers les autres :

 

« Grâces soient rendues à Dieu pour son don merveilleux ! »
(2 Corinthiens 9.12‑14).

 

Quelques semaines après avoir écrit de la sorte aux Corinthiens, Paul arriva lui-même à Corinthe. Là il écrivit aux croyants de Rome, pour les avertir de la visite qu’il comptait leur faire :

 

« Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères, que j’ai souvent formé le projet d’aller vous voir, afin de recueillir quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres nations ; mais j’en ai été empêché jusqu’ici »
(Romains 1.13).

 

Puis quelques mots d’explication vers la fin de son épître sur ce qui l’en avait empêché :

 

« Depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’en Illyrie, j’ai abondamment répandu l’Évangile de Christ… C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller vers vous »
(Romains 15.19‑22).

 

Que voulait-il dire par ce mot « l’Évangile de Christ » ? Il venait justement d’expliquer au moyen d’une série de citations de l’Ancien Testament, telle que celle-ci :

 

« Louez le Seigneur, vous toutes les nations. Célébrez-le, vous tous les peuples ! »
(Romains 15.11 ; Psaume 117.1) —

 

citations qui mettaient les Gentils sur le même pied devant Dieu que les Juifs. A cause de cette égalité, il tâchait de s’acquitter

 

« du divin service de l’Évangile de Dieu, afin que les païens lui soient une offrande agréable, étant sanctifiée par l’Esprit-Saint »
(Romains 15.16).

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Avec cette intention, il avait organisé la quête, raison de plus pourquoi encore une fois il ne pouvait venir directement de Corinthe à Rome, en poursuivant sa route vers l’Espagne :

 

« Maintenant je vais à Jérusalem pour le service des saints. Car la Macédoine et l’Achaïe ont bien voulu s’imposer une contribution en faveur des pauvres parmi les saints de Jérusalem »
(Romains 15.25‑26).

 

Il est donc évident que les églises gentiles s’étaient prêtées à sa proposition, et avec empressement :

 

« Elles l’ont bien voulu et elles le leur devaient »
(Romains 15.27).

 

Pourquoi dit-il cela ? Parce qu’en devenant chrétiens, les Gentils étaient aussi devenus Juifs en quelque sorte :

 

« Car si les païens ont eu part à leurs avantages spirituels, ils doivent aussi les assister dans les choses matérielles »
(Romains 15.27).

 

C’est quelques chapitres plus haut que Paul avait assimilé l’entrée des Gentils dans l’Église à un greffage qui les avait rendus participants de la racine et de la graisse de l’olivier israélite, tant leur intégration dans la famille divine avait été intime (Romains 11.17).

 

Ici de nouveau, il parle de cette même chose pour soutenir sa thèse que les frères gentils furent obligés de secourir leurs frères juifs.

 

Mais ceux-ci allaient-ils recevoir ce don gracieux d’une façon convenable ? Il le juge assez douteux. Alors il ajoute :

 

« je vous exhorte, frères, par notre Seigneur Jésus-Christ et par l’amour de l’Esprit, à combattre avec moi, en adressant des prières en ma faveur, afin que je sois délivré des incrédules de Judée, et que les dons que je porte à Jérusalem soient agréés des saints, en sorte que j’arrive chez vous avec joie, si c’est la volonté de Dieu »
(Romains 15.30‑32).

 

Dieu entendit leurs prières. Paul, non sans grandes souffrances, fut délivré des incrédules de Judée, tandis que les saints agréèrent le don qui symbolisait l’unité de tous les croyants en Jésus-Christ. Et ce fut aussi la volonté de Dieu que Paul arrive à Rome avec joie, joie mélangée peut-être de crainte. Là il ne cessa de penser aux besoins des églises fondées par lui-même, tout en prêchant vigoureusement à d’autres, et de temps en temps il leur écrivit des messages de réconfort ou d’avertissement. De ces joyaux littéraires, il suffit de choisir un seul extrait où Paul traite des privilèges des Gentils devenus chrétiens :

 

« Maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. Car il est notre paix, lui qui des deux
(c’est-à-dire des païens et des Juifs)
n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimitié, ayant anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions
(c’est-à-dire, la loi de Moïse) ;
il a voulu créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier avec Dieu l’un et l’autre en un seul corps, par la croix, en détruisant par elle l’inimitié »
(Éphésiens 2.13‑16).

 

En organisant la collecte Paul ne faisait que ce qu’il exhorta les Éphésiens à faire, à savoir :

 

« conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix »
(Éphésiens 4.3).

 

Efforçons-nous de la conserver aussi, et de la même façon, par des actes d’amour, considérant non pas nos propres intérêts, mais plutôt ceux des autres, et rendant ainsi la joie de l’apôtre parfaite.

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8. Juifs devenus Gentils

 

Les païens qui se firent chrétiens, devinrent Juifs en même temps — c’est-à-dire, des Israélites selon l’esprit. Chaque Gentil converti fut un olivier sauvage enté dans l’olivier saint et rendu participant de sa racine et de sa graisse (Romains 11). Et Paul dit à de tels croyants :

 

« Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu »
(Éphésiens 2.19).

 

Non que cela signifie qu’il faut se soumettre à la loi de Moïse ; tout au contraire ! Leurs privilèges comme membres de l’Israël de Dieu (Galates 6.16) les exemptent de toute obligation de la sorte — ils en ont été affranchis par la mort du Seigneur (Galates 5.1)

 

« Vous qui étiez morts par vos offenses et par l’incirconcision de votre chair, il vous a rendus à la vie avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos offenses ; il a effacé l’acte
(savoir la loi mosaïque)
dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistaient contre nous, et il l’a éliminé en le clouant à la croix »
(Colossiens 2.13‑14).

 

Or il est bien évident que la mort de Jésus met fin à la fois au péché et à la loi qui condamne les pécheurs. Plus donc les croyants juifs se rendent compte de ce fait capital, plus l’observation des ordonnances mosaïques leur paraît superflue. Mais chez eux, comme chez tant d’autres, la logique a moins de force que les coutumes établies, vénérées depuis des siècles. Il leur coûte cher alors de s’habituer à cette idée de liberté chrétienne, même pour leurs nouveaux frères païens. La plupart d’entre eux n’arrivent absolument pas à exercer pour eux-mêmes cette « liberté », et bien qu’ils renoncent à l’idée que l’observation de la loi est obligatoire, ils continuent néanmoins d’obéir à ses ordonnances.

 

On aperçoit tout de suite que dans les églises mixtes maintes difficultés se produisent à cause de cela. Souvent le païen converti, en mangeant de la chair qui a été sacrifiée à des idoles, froisse son frère juif. C’est pourquoi Paul a si souvent conseillé à tous les croyants de montrer de l’amour — plutôt que le dédain — les uns envers les autres :

 

« Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit »
(Romains 14.17).

 

L’important, c’est que chacun demeure fidèle à sa propre conscience et surtout au Seigneur :

 

« Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur… Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute »
(Rom. 14.8, 13).

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Pourvu donc que personne ne cherche à imposer à d’autres sa conscience à lui, Paul tolère au suprême degré le point de vue de chacun :

 

« Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns. Je fais tout à cause de l’Évangile »
(1 Corinthiens 9.22).

 

Mais Paul agit tout autrement là où les convertis juifs risquent d’abandonner leur foi nouvelle. Dans de tels cas, et toujours pour la même raison — « à cause de l’Évangile » — il cesse absolument de tolérer les scrupules de ses compatriotes, et dénonce ceux qui ont renoncé au vrai salut pour accorder la préférence à l’observation de la loi. Pour lui ces gens-ci prêchent « un autre évangile »« non pas qu’il y ait un autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent altérer (ou renverser) l’Évangile de Christ » (Galates 1.6‑7).

 

Ce renversement du vrai Évangile, c’est pour lui un crime impardonnable, et il s’y oppose toujours opiniâtrement. Et tout en le faisant il affirme, en effet, qu’en devenant chrétien le Juif est devenu Gentil quant à la loi. C’est-à-dire, d’une part le païen converti a cessé d’être Gentil, et de l’autre l’Israélite converti a cessé d’être Juif. L’un et l’autre ils ont renoncé à leurs droits civils d’ici-bas. Cela signifie pour le Juif croyant que, la loi ayant été annulée, il n’est plus membre de sa nation — il n’appartient plus à aucun peuple et, de ce fait, ne se trouve plus obligé de défendre ni sa patrie ni l’état.

 

Or le peuple juif était toujours prêt à défendre contre l’ennemi et sa patrie et l’état, et plus un homme était fidèle à la loi, plus il avait envie de chasser les Romains de la Terre Sainte. Pour les chrétiens juifs qui demeuraient en Palestine, il devint donc bien vite un problème sérieux de savoir que faire. A quoi bon protéger le Temple si la loi ne vaut plus rien ? Et, également, si l’on cède à la tentation de protéger le Temple, de défendre les institutions de la Loi, ne vaut-il pas la peine de se soumettre totalement à la Loi ? Il n’y avait qu’un seul moyen logique d’agir pour ceux qui voulaient se laisser inspirer par la vérité plutôt que par leurs émotions : refuser de se mêler à la lutte contre les Romains, et se tenir à l’écart en gardant une stricte neutralité.

 

Tout cela était logique, si vous voulez. Mais ici précisément l’intérêt personnel risquait d’être plus fort et plus persuasif que la logique. Si, grâce au fanatisme des loyalistes juifs, la neutralité leur coûtait la vie ? ou au moins des persécutions sévères et la perte de tout ? Dans ce cas ne vaudrait-il pas mieux participer à la lutte ?

 

La situation était vraiment très grave. La parabole du semeur allait certainement se réaliser chez bon nombre des chrétiens juifs :

 

« Celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c’est celui qui entend la parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racine en lui-même, il croit pour un temps, et dès que survient une tribulation ou une persécution à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute »
(Matthieu 13.20‑21).

 

Grand nombre des chrétiens juifs commençaient à fléchir au fur et à mesure que la résistance des loyalistes contre l’envahisseur se développait en vraie lutte militaire. La question se posa à eux sous une forme catégorique : à qui appartenaient-ils — à la Loi ou au Christ ? à l’Israël charnel ou à l’Israël selon l’esprit ?

 

C’est pour leur rappeler leurs privilèges et leur donner des forces qui leur permettraient de résister et à la persécution et à la tentation de renoncer à leur foi, que l’Apôtre écrivit une épître spéciale. Ce fut une crise parmi les chrétiens palestiniens qui, sans doute, provoqua l’épître aux Hébreux. Là, des exhortations rassurantes, des appels, des avertissements se succèdent et se mêlent. De toutes les façons possibles l’écrivain cherche à fortifier et à rappeler à leur devoir ceux qui sont en proie à l’indécision. Il souligne la grandeur du Christ, l’excellence du salut que donne la nouvelle alliance — salut éternel — et l’exemple des patriarches, tout cela pour inspirer ceux qui risquent de perdre « la promesse » faute de la « patience » nécessaire :

 

« Nous désirons que chacun de vous montre la même zèle (qu’Abraham) pour conserver jusqu’à la fin une pleine espérance, en sorte que vous ne vous relâchiez point, et que vous imitiez ceux qui, par la foi et la persévérance, héritent des promesses »
(Hébreux 6.11‑12).

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Les lecteurs se trouvaient en Terre Sainte. N’importe : il n’y avait pas là de raison valable pour partager la fortune des loyalistes qui rejetaient la vérité divine. L’important, ce n’était pas leur héritage national, la Jérusalem d’ici-bas, mais plutôt « la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (Hébreux 12.22). Mieux valait imiter Abraham qui

 

« vint s’établir dans la terre promise comme dans une terre étrangère »

 

et attendre avec lui

 

« la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur »,

 

que de perdre leur salut en abandonnant leur foi pour protéger la Jérusalem terrestre avec leurs compatriotes incrédules. Ville et temple — c’en était fait des deux (Hébreux 11.9‑10 ; 12.27).

 

Pour faire cela il fallait que les fidèles juifs rompent avec leur nation ainsi qu’avec la loi et le Temple — c’est-à-dire s’allier tout à fait avec celui que la nation elle-même avait rejeté. C’est pourquoi l’écrivain fait cet appel final :

 

« Sortons donc pour aller à lui, hors du camp, en portant son opprobre. Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir »
(Hébreux 13.13‑14).

 

Qui d’entre eux, répondant à cet appel, pourrait encore prétendre être Juif au vrai sens du mot ? En acceptant le Christ il avait cessé d’être Juif, devenant citoyen du nouveau monde. Ce qui était vrai depuis le commencement ne s’est fait comprendre qu’en temps de crise, plus de trente ans après. Mais il n’en restait pas moins vrai, comme il demeure vrai de nos jours, que le disciple a une patrie céleste qui est au-dessus de toutes les patries terrestres. C’est celle-là qu’il est tenu de défendre et c’est celle-là que Jésus-Christ établira sur toute la terre à son retour. « Amen ! Viens, Seigneur Jésus. »

 

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http://www.christadelphes.fr/

http://www.lisezlabible.fr/

http://www.cbm.org.uk/france.htm

http://www.acbm.org.au/

 

CBMRJuifsGentils.pdf

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